L’Union européenne et l’enjeu écologique

samedi 16 mai 2009, par André Castro

EnvironnementÉlectionÉlections Européennes

La crise écologique est majeure. Les rapports du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et du Groupe intergouvernemental d’étude du climat (GIEC) en témoignent. Le risque est tel que si nous ne faisons rien, la possibilité de la vie humaine sur terre est elle-même menacée à terme.

Face à cette crise écologique, la nécessité de politiques supra-nationales est évidente, car les choix effectués dans un pays ont des conséquences sur les autres (Tchernobyl ne s’est pas arrêté aux frontières de la France... et le mode de développement américain pèse d’un poids très lourd sur le climat planétaire). Il faut donc des législations acceptées par tous pour éviter les phénomènes bien connus de passagers clandestins par lesquels les Etats qui font des efforts sont pénalisés par rapport à ceux qui n’en font pas dans la compétition internationale.

Dès lors, l’espace européen est une échelle particulièrement pertinente pour les politiques environnementales.

Sous l’effet de pressions des pays du Nord, une législation prolifique s’est progressivement développée (I).

Cependant, celle-ci est non seulement de plus en plus négociée avec les lobbies industriels, mais en outre, elle pèse peu dans le bilan écologique de l’Europe face à l’édifice communautaire qui promeut un libre échange aux lourdes conséquences sociales et environnementales (II).

La position de l’Union européenne dans les négociations climatiques est ainsi lourde de ces contradictions, prônant d’un côté un volontarisme politique (l’Union européenne « championne » de la lutte contre le réchauffement climatique) mais incapable d’imposer aux capitalismes nationaux des réductions massives de gaz à effet de serre et d’énergie (III).

Plus grave encore, si le Traité de Lisbonne était ratifié, il empêcherait pour l’avenir toute possibilité de législation véritablement écologique (IV).

Le Front de gauche propose donc une politique résolument écologique et sociale, qui invente un autre modèle de développement en Europe, basé sur la préservation et l’accès pour tous aux biens communs fondamentaux, la restauration des équilibres écologiques menacés et l’enrayement des politiques de libre-échange, en Europe et dans le monde (V).

I- Le droit environnemental européen : inflation et dépolitisation

Le droit environnemental européen est jeune, mais très prolifique. Après un démarrage assez lent, il occupe une place majeure et la réglementation communautaire représente une quantité impressionnante de textes, sous forme de directives, règlements, décisions, recommandations ainsi que de « livres verts » et « livres blancs ».

En matière d’environnement, le Conseil décide à la majorité qualifiée des membres, sur proposition de la Commission et en co-décision avec le Parlement européen. Toutefois, ce dispositif comporte des exceptions importantes pour lesquelles les votes ont lieu à l’unanimité : l’aménagement du territoire, la gestion quantitative des ressources hydrauliques, l’affectation des sols, les choix en matière d’énergie et de structure de l’approvisionnement énergétique.. Malgré ces limitations, nombre de directives européennes sont plus avancées en matière de droit environnemental que les législations nationales. C’est notamment le cas vis-à-vis de la France. Les contentieux qui ont opposé et opposent régulièrement la France à l’Union européenne par le biais de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE), du fait de la non-transposition des directives ou du non-respect de la réglementation européenne, même minimale et souvent contestable, illustrent l’utilité de cette réglementation. Ainsi, les principales dispositions du Grenelle de l’environnement, présentées comme des innovations importantes, consistent surtout à mettre la France en conformité avec le droit environnemental européen. C’est le cas pour les pesticides (directive 2006, qui vise la réduction de certaines substances de 50% en dix ans), pour la taxation des camions qui traversent le territoire (directive Eurovignette de 2006, en cours de modification), pour les mesures d’efficacité énergétique (directive de 2006) pour la performance des bâtiments (directive de 2002), etc.

La politique communautaire en matière de droit environnemental se fonde sur le principe de précaution inscrit dans le traité de Maastricht, sur l’action préventive et enfin sur la correction des atteintes selon le principe pollueur-payeur. Or ce droit tend à se contractualiser de plus en plus. Ainsi la Commission européenne associe les industriels dans la confection d’un « droit négocié ». On en connaît le résultat avec l’action soutenue des multiples lobbies de l’agriculture, des transports, de l’industrie. Il faut savoir que 15 000 « lobbyistes » divers sont présents à Bruxelles, qui est la deuxième capitale mondiale du lobbying après Washington, et que pour un « lobbyiste » issu de la société civile, on y trouve sept « lobbyistes » industriels !

Par exemple, la directive REACH (Registration, Evaluation, and Authorization of Chemicals) sur les produits chimiques, qui certes a le mérite d’exister, a particulièrement souffert des lobbies de l’industrie chimique et a été considérablement amoindrie dans son périmètre d’application, une grande quantité de produits chimiques en ayant été finalement soustraits.

Il en est de même du règlement européen sur l’étiquetage des produits contenant des OGM : la mention OGM n’est obligatoire que pour les produits contenant plus de 0,9 % d’OGM (à l’exception des produits d’origine animale, lait, œufs, viande, qui ne sont pas étiquetés du tout). Pour l’agriculture biologique, le seuil devrait également passer à 0,9 % en 2009 dans le cadre d’un règlement prévu. Autant dire que cela signifiera la fin de toute filière biologique à part entière.

II - Le lourd bilan écologique de l’Europe

A côté de ces maigres avancées, permettant concrètement d’obliger les collectivités locales à réparer les dégâts du système capitaliste (bon état écologique des eaux, fermeture des décharges sauvages, zones de protection Natura 2000), le droit communautaire est entièrement dédié à la construction d’un marché intérieur libre et non faussé, qui pousse au productivisme et produit la crise écologique. Dès lors, la législation européenne a un bilan écologique global largement négatif.

2-1. Cet aspect est particulièrement net dans le domaine des transports et de l’énergie.

Pour la seule semaine du 20 au 24 avril 2009, le Parlement a débattu et voté 2 résolutions législatives visant à la libéralisation des marchés. Le 22 avril, les eurodéputés ont voté la poursuite de la libéralisation du secteur de l’énergie. La directive adoptée programme le démantèlement d’EDF et de GDF, qui devront opérer une séparation entre leurs réseaux de transmission et leurs activités de distribution. Le 23 avril, les eurodéputés ont également autorisé les chauffeurs d’autocars à travailler 12 jours d’affilée lors de voyages internationaux, à partir de janvier 2010, contre 6 jours aujourd’hui. Ils ont aussi décidé d’abattre d’ici la fin de l’année certaines barrières à la libre circulation des poids lourds : à la suite d’une livraison internationale de marchandises, un camionneur sera autorisé à effectuer trois opérations de transports supplémentaires entre des villes européennes (cabotage) en sept jours, avant de rentrer. Avec tous les risques de dumping social qu’autorise cette pratique... et d’aberration environnementale !

Dans ces deux exemples, non seulement le droit social est largement entamé, mais également la protection de l’environnement.

2-1.1. Engagée depuis 1992, la libéralisation du marché de l’énergie présente un bilan économique, social et écologique particulièrement désastreux, comme on peut le constater en France :

  • économique : Les prix de l’électricité sur le libre marché ont été bien supérieurs aux tarifs régulés d’EDF ! Peu de consommateurs ont finalement quitté EDF.
  • social : EDF a progressivement augmenté ses tarifs aux particuliers pour pouvoir financer sa politique de rachat d’entreprises européennes. Résultat : les impayés de factures EDF ont littéralement explosé ces dernières années.
  • écologique : Le débat sur l’optimisation des choix énergétiques a été esquivé en mettant en avant les impératifs de la concurrence européenne

Enfin, EDF a commencé à réduire ses investissements dans le réseau de transport. L’égal accès de tous au service public de l’électricité sur le territoire de la République se détériore.

Des effets identiques sont constatés dans les pays qui ont cédé leurs services publics aux sirènes du profit : Royaume-Uni, Californie, c’est aussi l’explosion des tarifs, la surenchère dans la production et la consommation, et l’exclusion des pauvres.

2-1.2. Quant aux transports, ils représentent en Europe la majeure partie des pollutions atmosphériques locales et globales, mais ils permettent aussi la réalisation concrète du libre marché au détriment des peuples.

Ainsi, selon l’Agence européenne de l’environnement, si les émissions de gaz à effet de serre de l’Europe des 25 (les 27, moins la Roumanie et la Bulgarie) ont diminué de 7,9 % entre 1990 et 2005, celles du transport ont crû de 26 % ! Les progrès sur les véhicules ou les carburants sont plus qu’annulés par la croissance des trafics, en particulier aériens et routiers, encouragée par la politique de transport de l’Union européenne. Le train, cinq fois moins nuisant que la route et quinze fois moins que l’avion, perd du trafic en Europe parce que des garanties sociales y subsistent, parce que les autres modes ne paient pas leurs pollutions et enfin parce que la politique européenne épuise les compagnies ferroviaires publiques en brisant leur unité et en les mettant en concurrence entre elles et avec de nouveaux opérateurs privés. Ainsi, avec la directive « Eurovignette », dans sa version en vigueur, l’Union interdit la mise en place d’une écotaxe « poids-lourds » fondée sur les coûts externes environnementaux, n’acceptant que la prise en compte des coûts d’infrastructure.

D’un point de vue social, cette politique des transports est entièrement vouée à l’augmentation des déplacements en Europe, dans le but de parfaire les échanges de marchandises. Grâce à l’interdiction des politiques d’harmonisation sociale et fiscale, la multiplication des transports de marchandises sous-tarifés permet aux transnationales de profiter, par les délocalisations et la gestion « à zéro stock », du dumping social et fiscal intra-européen. Dès lors, non seulement les transports les plus polluants sont favorisés, mais ce sont eux qui permettent la mise en concurrence généralisée des peuples et des entreprises au sein même de l’Union européenne.

N’oublions jamais que la mondialisation libérale des échanges est rendue permise par un système de transports à bas prix, dont le coût environnemental n’est jamais pris en compte. En moyenne, un jeans vendu en France aura fait 30 000 km pour être produit, un pot de yaourt aux fraises 9 000 km.

Un bon symbole de l’aberration écologique et sociale que constitue la mondialisation libérale se trouve dans l’histoire de la société Young’s Seafood. Depuis des décennies, cette société pêchait en mer d’Ecosse des langoustines qui étaient décortiquées à la machine dans deux usines proches du lieu de pêche pour être commercialisées sur le marché britannique. Le fonds d’investissement états-uniens CapVest, qui a racheté cette société et voulait augmenter ses bénéfices a eu cette idée ingénieuse : congeler les langoustines dès leur débarquement, les transporter sur des porte-conteneurs à destination de la Thaïlande où elles sont décortiquées à la main, puis les recongeler et les ré-embarquer pour l’Ecosse, où elles sont cuites et vendues. Bilan : un voyage de 27 000 km pour les langoustines, 600 à 900 000 tonnes supplémentaires de CO2 émises et 120 emplois supprimés en Ecosse et transférés à des ouvriers thaïlandais payés 65 centimes d’euros de l’heure.

2-2. Politique agricole et de la pêche

2-2.1. La politique agricole commune (PAC) faisait jusqu’à présent figure d’exception puisque l’Union européenne avait mis en place des mécanismes de régulation du marché visant à favoriser l’autosuffisance alimentaire de l’Europe. Problème, la PAC a permis dès les années 70 d’atteindre cette autosuffisance... mais elle ne s’est pas arrêtée là ! Elle a depuis continué de favoriser les concentrations capitalistiques des exploitations, en avantageant par le système de subventions les grandes exploitations productivistes. Avec les réformes des années 90 et 2000, elle organise désormais une libéralisation totale des marchés agricoles, en abandonnant progressivement les outils de maîtrise des productions (fin des quotas laitiers pour 2013), en découplant les aides de la production (la seule taille des exploitations est prise en compte) et en substituant les mécanismes d’intervention publique sur les marchés par une aide à des systèmes d’assurance privée. Un deuxième pilier de la PAC apparaît en 2003 pour les territoires en difficulté, qui ne touche pas le cœur d’une agriculture capitaliste productiviste.

Dès lors, la course à la concentration capitaliste des exploitations se poursuit, tout comme la diminution de l’emploi agricole et la désertification de certaines régions. Et la l’emploi massif d’intrants (engrais azotés et autres pesticides) engendre non seulement un risque majeur pour les nappes phréatiques mais aussi une diminution progressive de la biodiversité, de la fertilité des sols et de la santé humaine.

Sur les marchés mondiaux, la PAC a longtemps permis de subventionner les exportations afin d’écouler les surplus européens, en réduisant à néant les agricultures paysannes des pays en développement. Elle s’est officiellement engagée à arrêter ces subventions (mais a recommencé pour le lait en décembre 2008). Cependant, elle continue de favoriser une agriculture capitaliste hautement compétitive et de poursuivre par le biais de sa politique commerciale extérieure au sein de l’OMC et de ses accords de partenariat la baisse généralisée des droits de douanes. Le dernier exemple en date est la renégociation des Accords de partenariat économique (APE) avec les 79 pays en développement des ACP, qui a imposé aux Etats de réduire leurs droits de douane de 80% dans les 15 ans à venir, empêchant ces Etats de protéger leurs industries naissantes et leur agriculture.

2-2.2. La politique communautaire de la pêche répond aux mêmes problématiques. L’Union européenne a favorisé la pêche industrielle au détriment de la pêche artisanale dans une optique de profit . Plus puissante, pouvant pêcher au plus profond, cette pêche industrielle est la principale responsable de la destruction des ressources halieutiques. Par le biais des accords de partenariat, l’Union a même réussi à ouvrir les côtes maritimes africaines aux multinationales européennes en interdisant aux pêcheurs africains leur accès au prétexte de normes d’hygiène non respectées !

III - L’Europe dans les négociations sur le réchauffement climatique : contradictions et impasses

La Commission européenne a publié en 2005 un « Livre Vert sur l’efficience énergétique », et en 2006 un « Plan d’action pour l’efficience énergétique ». Ce dernier était axé sur la recherche de l’efficience énergétique et sur la « sécurité des approvisionnements ». Les grandes lignes en étaient les suivantes, regroupés sous l’objectif en forme de slogan des « trois fois 20 % » :

  • La recherche de l’efficience énergétique devrait permettre une diminution de 20 % de la consommation d’énergie primaire d’ici 2020 ;
  • La diminution des émissions de gaz à effet de serre sera de 20 % d’ici 2020 ;
  • Le développement des énergies renouvelables qui devraient concerner 20 % de l’énergie primaire consommée.

Ces objectifs ont été entérinés dans un sommet Européen en mars 2007. Pour atteindre ces objectifs, un plan d’action pour 10 ans, avec un « paquet de mesures », a été proposé début 2008 par la Commission et discuté au Sommet européen des 11 et 12 décembre 2008, présidé par Nicolas Sarkozy. Ce sommet devait déterminer concrètement comment mettre en œuvre les engagements européens sur les 3*20. il devait « montrer l’exemple » et permettre la réussite de la conférence des Nations unies sur le changement climatique qui se tenait à Poznan au même moment pour négocier l’après Kyoto.

A l’époque ce sommet a été présenté comme une réussite. C’est au contraire un échec total et une journée noire pour le climat et l’environnement comme l’ont dit à l’époque les Amis de la Terre.

Pour parvenir à baisser de 20% les émissions de gaz à effet de serre, l’UE a en effet misé essentiellement sur le système d’échange des droits d’émettre les gaz à effet de serre. Et les Etats ont négocié que deux tiers des réductions de gaz à effet de serre puissent se faire hors du territoire de l’Europe, par le jeu des « compensations carbone ». Sous couvert de compétitivité, ils ont conféré des droits gratuits pour les industries de nombreux pays, et notamment les exploitations de charbon polonaises, qui risquent, comme avant 2006, de supprimer l’effet incitatif du marché. Enfin, aucun système de sanction n’a été prévu pour inciter les pays à tenir leurs engagements.

Mis en place en 2003, le marché européen des « droits à polluer » a un bilan édifiant. Les quotas de droits à polluer ont été si généreusement distribués aux entreprises, qu’ils ont représenté bien plus que ce dont elles avaient besoin. Dès lors, le prix de la tonne carbone s’est effondré sur le marché dès la fin 2006 et quand le coût d’achat des permis est inférieur aux coûts de réduction des émissions, l’incitation ne fonctionne plus, les entreprises préfèrent acheter des droits sur le marché plutôt que de réaliser les investissements nécessaires pour réduire les émissions. Nombre d’entreprises, notamment dans le secteur de l’énergie, qui avaient pris des mesures de réduction de leurs émissions, ont pu profiter de cette manne, sans pour autant faire d’efforts significatifs dans le domaine des énergies renouvelables.

Pour parvenir à l’objectif de 20% des énergies renouvelables, la Commission européenne ne s’appuie que sur la libéralisation du marché intérieur de l’énergie, seule capable selon elle de susciter l’innovation et l’émergence d’acteurs produisant des énergies propres. C’est désormais chose faite puisque le Parlement européen a voté un troisième paquet énergie le 22 avril 2009 pour parachever cette libéralisation, en obligeant les opérateurs (type EDF et GDF) à scinder leurs opérations de réseaux et de distribution. Par ailleurs, le « libre choix » a été laissé à chaque Etat de recourir ou non à l’énergie nucléaire. La France a demandé, heureusement sans succès, que l’énergie nucléaire soit reconnue comme « propre », remplaçant la notion d’énergies renouvelables par celle d’« énergies non carbonées ».

Enfin, l’objectif de 20% d’économies d’énergies ne figure plus dans le paquet qu’à titre rhétorique, aucune mesure contraignante n’étant proposée pour le réaliser, comme si la croissance des énergies renouvelables et l’efficacité énergétique permettaient une économie globale d’énergie. En revanche, un nouvel objectif de 10% d’agrocarburants a été confirmé, sous la pression des lobbies agroindustriels, qui comporte un bilan écologique et climatique extrêmement discutable, et contribue à solvabiliser l’importation massive en Europe de cultures de plantations vouées à la voiture, au détriment des besoins alimentaires des populations, comme l’ont montré les émeutes de la faim début 2008.

IV - Une fois ratifié, le Traité de Lisbonne empêchera toute politique écologiste conséquente

Le Traité de Lisbonne, s’il était ratifié, graverait dans le marbre les orientations libérales de l’Europe créant un risque majeur pour l’environnement.

Sont ici cités des articles des parties 3 « politiques et actions internes de l’Union » (P3.) et 5 « Action extérieure de l’Union » (P5.).

Ainsi, le Traité de Lisbonne consacre la mise en place d’un marché intérieur libre et non faussé, et le garantit par une interdiction absolue d’aides aux entreprises. C’est sur la base de ces articles que sont régulièrement adoptées les directives de libéralisation des services (énergie, transport, réseaux, etc.) aux conséquences sociales et environnementales désastreuses.

P3. Titre I Marché intérieur - article 26 « 1. L’Union européenne adopte les mesures destinées à établir ou assurer le fonctionnement du marché intérieur. 2. Le marché intérieur comporte un espace dans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée selon les dispositions des traités. »

P3. Titre VII Règles communes sur la concurrence, la fiscalité et le rapprochement des législations.

Article 106 (ex 86 TCE) « les Etats n’accordent de droits spéciaux ou exclusifs, n’édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles du présent traité pour les entreprises publiques »

Article 107 (ex 87 TCE) « sauf dérogation prévue par le traité, les Etats n’accordent pas d’aide qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou production »

Cette prééminence de la logique libérale est consacrée dans les titres VI - Transports, XVI - Réseaux trans-européens et XXI- Energie, dont le principal objectif est de renforcer « un espace sans frontières intérieures ».

Le Traité de Lisbonne inscrit une politique commerciale vouée à la libéralisation des échanges, en Europe et dans le monde, et fait de la Commission le porte parole actif de cette libéralisation dans les échanges internationaux.

P3. Titre II Libre circulation des marchandises - article 32 « La Commission s’inspire dans l’exercice des missions qui lui sont confiées : a/ de la nécessité de promouvoir les échanges commerciaux entre les Etats-membres et les pays tiers ».

P5. Titre II Politique commerciale commune - article 206 « Par l’établissement d’une union douanière conformément aux articles 28 à 32, l’Union contribue dans l’intérêt commun au développement harmonieux du commerce mondial, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et aux investissements étranges directs, ainsi qu’à la réduction des barrières douanières et autres. »

Dans le domaine environnemental, le Traité fixe l’unanimité pour les éléments essentiels d’une politique européenne (aménagement du territoire, production énergétique, dispositions à caractère fiscale). Une taxation environnementale est donc par exemple impossible à mettre en place en Europe.

P3. Titre XIX Environnement - article 192 « Le Conseil statue à l’unanimité (procédure législative spéciale) et après consultation du Parlement européen pour a/ les dispositions à caractère fiscal, b/ la gestion des ressources hydrauliques, l’affectation des sols, les mesures affectant sensiblement le choix d’un Etat-membre entre les différentes sources d’énergie et la structure générale d’approvisionnement énergétique ».

Enfin, le Traité consacre une politique agricole vouée à la productivité, et à la réduction de la main d’œuvre. Ainsi, des aides agricoles liées à l’emploi seraient très certainement annulées par la CJCE.

P3. Titre III Agriculture et pêche - article 39 (ex. 33 TCE) « La PAC a pour but : d’accroître la productivité agricole en développant le progrès technique, en assurant le développement rationnel de la production agricole ainsi qu’un emploi optimum des facteurs de production, notamment de la main d’œuvre ».

V - Quelles alternatives pour une Europe écologique et sociale ?

La crise écologique est intrinsèquement liée au système capitaliste et à son moteur productiviste, dont les effets sont décuplés par la libéralisation des échanges. Une Europe écologique et sociale repose donc sur un autre modèle de développement, qui garantit à tous l’accès aux biens fondamentaux, restaure les équilibres écologiques menacés, et enraye le processus de libre échange, en organisant notamment une relocalisation des activités de production et de consommation.

Ainsi, le programme du Front de gauche propose les orientations suivantes :

5-1. La remise en cause du sacro saint principe de libre marché, en Europe et hors de l’Europe, et avec lui de la ratification du Traité de Lisbonne.

  • Arrêt immédiat des libéralisations et privatisations en cours et le retour au public des biens fondamentaux (énergie, EDF-GDF, transports, service postal, etc.).
  • Abandon des traités de libre échange avec les pays en développement (et la renégociation les accords de partenariat économique) et annulation de leur dette publique.

5-2. La mise en place d’un véritable Plan climat énergie européen

  • Relèvement des ambitions du « paquet » européen : priorité donnée aux économies d’énergie d’ici 2020 (25 à 30%), diminution de 30% des émissions de gaz à effet de serre, maintien des objectifs de 20% des énergies renouvelables avec de fortes sanctions en cas de non atteinte, abandon de l’objectif de 10% d’agrocarburants
  • Création d’un Pôle public européen de l’énergie, qui garantisse le droit à l’énergie pour tous et planifie l’atteinte des objectifs du Plan climat
  • Arrêt de la libéralisation des transports et mise en place d’une politique de transports adaptée (développement des transports par rail et canaux, taxation du fret routier, relèvement massif et immédiat des normes anti pollution sur les voitures)

Face à la crise, un plan massif de réhabilitation des logements et d’investissement dans les lignes de transport collectif régionales doit être engagé immédiatement.

5-3. Pêche et agriculture : souveraineté alimentaire, et priorité à l’emploi et la protection de l’environnement

  • Maintien d’un mécanisme de régulation du marché agricole de type PAC en le réorientant en faveur d’une agriculture paysanne et respectueuse de l’environnement ; interdiction des cultures et essais d’OGM en plein champ et de leur commercialisation, ainsi que des pesticides à risques ; arrêt de toute politique d’exportation agricole pour garantir la souveraineté alimentaire des pays
  • Renforcement de la protection des espèces halieutiques menacées ; mise en place d’une politique de régulation de la pêche, qui permette de soutenir la pêche artisanale, d’en moderniser la flotte, et de contraindre la pêche industrielle

5-4. Planifier la restauration écologique

La restauration des grands équilibres écologiques aujourd’hui menacés ne doit pas être laissée au gré du marché. Une politique ambitieuse de planification écologique doit viser à reconstituer les ressources naturelles et à les protéger (eaux, littoraux, espèces menacées, luttes contre la désertification dans certaines régions) en augmentant et en mobilisant des fonds structurels alimentés par des taxes globales à créer et en luttant contre les politiques de privatisation des sols et du vivant.