État d’esprit post-fondage de plombs du Centre d’Ailleurs ou « Chronique d’une mort annoncée »
Coup de gueule de Chraz
lundi 11 mai 2015, par
CultureÉlections EuropéennesÉlections RégionalesC’est assez clair, en effet, on a bien vu que les instances régionales et l’Europe n’étaient pas faites pour soutenir les petites structures « hybrides » (les bagnoles, c’est bien mais pas les structures) qui apportent de l’oxygène (bio) dans les zones rurales, pas plus Le Centre d’Ailleurs que l’Arthé Café, à Sauterres, soutenu à bout de bras par amour de la chanson, ni les autres lieux de passionnés qui rament et mendient quelques miettes (liste non exhaustive) et qui vont finir par couler, bien fait pour leur gueule ! Comme on dit, c’est structurel, ça n’a rien à voir avec la conjoncture, il est logique que les gavés se gavent entre eux, et à part pour aller visiter des maisons de retraite, une fois assis au chaud, les distributeurs de billets à pattes sont rares à chercher concrètement à savoir comment ça se passe dans la vraie vie.
Dans toutes les régions de France, les petits festivals, les petits lieux et la petite vie associative crèvent à petit feu en attrapant au vol les quelques pièces jaunes qu’on leur jette négligemment, tandis que des gros paquets de fric sont distribués aux grosses structures qui savent bien remplir les dossiers et faire mousser les élus.
Les budgets sont destinés à faire briller et les initiatives locales ne sont que de petits feux d’artifice visibles de pas très loin.
500000 euros pour une usine de Titane avec Manuel Valls, déguisé en prolo casqué, ça frime, c’est beau, on passe à la télé. Je ne dis pas que ce n’est pas utile, d’ailleurs ce ne sont pas les mêmes cases - tout est une question de cases - , mais si le chef du Conseil Régional avait une réelle volonté de soutenir les petites initiatives, il tenterait de changer le fonctionnement du système, vu qu’il est chef. Sinon ça sert à quoi d’être chef ? A être pas trop mal payé ? Il peut faire tous les beaux discours qu’il veut, s’il ne le fait pas, c’est que le système lui va comme ça.
En Auvergne comme ailleurs, avec les sommes phénoménales qui sont englouties par trois ou quatre trous noirs simili culturels dont même la lumière ne parvient pas à sortir, il y aurait de quoi soutenir quelques dizaines de lieux à des hauteurs raisonnables. C’est un choix politique, en effet, et on est en droit - pardon, on croyait être en droit - d’attendre plus de la gauche que de la droite. Avec 20 ou 30000 euros de subvention par an et de l’énergie, par exemple, on peut faire venir la culture et des artistes de qualité dans des bleds paumés et rendre un territoire attractif, vivant, humain, convivial... et même attirer des gens de l’extérieur pour multiplier le positif, ce n’est pas le choix qu’a fait le Conseil Régional. Sans dire que les élus s’en branlent, il est évident que comme Chirac, ça leur en touche une sans faire bouger l’autre.
Alors on laisse tomber, à force d’attendre des réponses, des conseils éventuels, trois cacahuètes pour avancer, de l’aide au remplissage des paperasses, on baisse les bras. Peu à peu, le citoyen devient apathique, il sait que la merde est inéluctable. On est encore quelques-uns à être un peu solidement républicains (au sens noble du terme, pas à celui récupéré par les enfoirés ex-UMP), voire à gauche mais la boussole a été déréglée par la batterie du portable, le pire qui puisse nous arriver, c’est de voter blanc ou de ne plus voter du tout (je connais des gens bien qui en sont là) mais les plus faibles se mettent à voter FN comme si une bouée en plomb pouvait les sauver, ces amnésiques. Le sentiment d’injustice finit par tout justifier, même l’injustice, on ne va pas tarder à voir les milices défiler dans les rues, il y a des endroits où ça commence.
Aujourd’hui, même les idiots savent cliquer avec une souris et il suffit d’aller voir comment est distribué l’argent du contribuable, initialement destiné à améliorer la vie collective... ou alors c’est de l’intox de l’opposition ?
Alors voilà, le système m’a tueR moi aussi, j’ai tenu contre l’avis de presque tous les autres, j’y croyais, on était à deux doigts d’équilibrer, le puzzle n’était pas encore assemblé mais... trop tard. J’ai donc décidé de passer à autre chose, ou plutôt d’y revenir. Plus con encore, dans un dernier élan, on a failli repartir avec presque rien, reprendre le risque de remettre quelques dizaines de milliers d’euros sur la table, sans aucune assurance supplémentaire, juste par optimisme béat et confiance dans les institutions qui elles aussi sont sur le point de comprendre, non ? De louer le lieu avec l’association en grattant sur les spectacles mais il fallait attendre, attendre, re-redemander, re-ramper pour finir pas ne pas savoir quand, comment, bref, on nous en a dissuadés sans rien faire, par le silence et l’inertie. Sur le coup, j’en ai voulu à la lenteur administrative mais finalement, je la remercie. On n’est sans doute pas faits pour gérer un lieu, on n’est pas des pros du jonglage avec les budgets, laissons ça aux spécialistes, aux Multiplex et aux usines à spectacles franchisées.
Par chance, leur non volonté de ne pas nous aider ne va pas jusqu’au bout, ils aident sans le savoir, par immobilisme, c’est chouette. Car en cas de liquidation d’une structure, on ne peut pas repartir comme ça et reperdre encore plein d’argent, ce serait trop injuste. On vous couve, il y a des délais incompressibles, des règles pour « protéger l’emploi » qui bloquent les actions spontanées, il y a des fonds de commerce avec les employés dans le packaging tant qu’ils n’ont pas signé qu’ils ne voulaient pas - le dire, ça ne suffit pas -. Et puis on n’y comprend rien, on vous dit le minimum quand vous avez la chance de parler à quelqu’un, ou les gens sont en vacances ou en stage, ou en déplacement, ou en ligne, ou ils en ont marre des questions, et la saison avance, avec le temps tout s’en va et on renonce. Ouf, merci au liquidateur... et aux autres, à tous ceux bien gentils pleins de bonnes intentions mais qui n’avaient heureusement pas tous les éléments pour nous répondre en toute clarté, qui regrettent mais vous comprenez, les dispositifs, l’Europe, les règlements, les machins... et ça traîne et ça traîne et on finit par ne plus sentir la douleur (un élu du CR m’a suggéré que Souchon laissait pourrir la situation et qu’il savait qu’il n’y avait aucune chance, mais je n’écoute pas les mauvaises langues et aujourd’hui, je m’en fous).
C’est ça, le but est atteint, ça marche à tous les coups, on est des humains avec des limites, tous. Peu à peu le citoyen se résigne, s’écœure et finit par s’en foutre. Chacun sa croûte, chacun son crottin ! Dommage pour le village de Saint-Jean-des-Ollières et sa municipalité qui a mis toute son énergie là-dedans (on est même allés voir Souchon ensemble, avec Madame le maire, et il m’a semblé en voyant sa tête qu’il avait bien eu mon message disant que je le considérais comme un clown d’hôpital qui met un nez rouge en te disant : « tu vas crever ! »(funny, isn’t it ?). Dommage pour les habitants qui aimaient bien ce « lieu de vie », dommage pour les associations du coin, pour Cinéparc, les employés, les bénévoles, dommage pour les coopérateurs qui avaient pris des parts - dont Jean Mallot -, dommage pour Dédé Chassaigne - l’un des rares à avoir mis ses actes en rapport avec ce qu’il disait, et qui ne s’est pas contenté de me taper dans le dos en disant : « C’est vraiment indispensable pour le tissu rural, ce que tu fais ! » et -soyons fous - dommage pour le socialisme mais sans doute tant mieux pour moi. Enfin, on respire. Le Centre d’Ailleurs est désert, on se gare où on veut, plus la peine de tondre, c’est le paradis. On ne sait pas quand on aura le droit d’utiliser les bâtiments – le délai incompressible, c’est combien ? -, on ne sait pas si le liquidateur va accepter notre offre pour le matériel, ce serait con qu’il le vende aux enchères, comme il l’a annoncé (pas à nous, on l’a su indirectement) alors on attend, on n’a pas le droit de le prêter, le fonds ne nous appartient pas... bientôt ?... pardon, j’oubliais les commissions de sécurité, c’est pas possible, imaginez que les séquoias prennent feu !
Ça a l’air grave, tout ça mais soyons contents car ce sera sûrement bien plus horrible si un jour Wauquiez devient le chef de la meute... on n’en est pas là (euh... ?) mais certains comportements pas vraiment à gauche ne seront pas totalement innocents du basculement.
Donc ça y est, le ras-le-bol de toute cette gesticulation est là, ça a débordé et ça y est, le lieu est en vente sur le Bon Coin - on va essayer de le vendre cher, à un riche, va savoir - en espérant qu’après remboursement du crédit, il restera un peu de sous pour aller vivre ailleurs qu’Ailleurs - ouvrir une église intégriste au Puy pour y programmer du Gospel en latin, pourquoi pas ? -, sans avoir besoin de faire la pute pour obtenir de quoi faire le boulot que devrait faire les services publics : rendre service au public. Il deviendra quoi le Centre ? Une résidence secondaire, un hôtel restau, une piste de kart (ça ferait la joie des voisins), un champ de tir ? Va savoir !
Pas de nostalgie, le Centre d’Ailleurs, ce ne sont que des cailloux les uns sur les autres, comme le Mur de Berlin et la Tour de Katmandou, et si on arrive à en tirer un bon prix, ça va nous faire des vacances - pas au Tibet, on va attendre -. C’est que « mécène privé », c’est pas évident quand on n’est pas qatari. Alors merci encore à tous ceux qui le méritent, vive l’Auvergne qui brille et les campagnes désertes, ça fait des jolies vues de Google Map. Après tout, ils nous emmerdent, ces ploucs, ils peuvent bien descendre à Clermont, ils ont des voitures, non ? En plus, bientôt, il va y avoir un super festival avec plein de découvertes comme Fauve (ça dit des choses aux d’jeuns, merde, Fauve !), Dominique A (un début d’alphabétisation ?) et Placebo pour ceux qui ne sont pas malades. Et s’ils ont pas les moyens de faire le plein, ils ont déjà la télé, alors ?
Bises à toutes, c’est le printemps, on va pouvoir faire du vélo !... Allez, bonne retraite, René, et attention à ne pas confondre les casques ! Et comme disent nos amis portugais : « Faut ben ch’amouger oun po ! ».